Rentrée parlementaire oblige, notre équipe vous a concocté un résumé de ce qui nous attend durant la prochaine session. L’actualité politique repart sur les chapeaux de roue avec le départ du super-ministre Pierre Fitzgibbon, qui occasionnera une élection partielle dans Terrebonne au cours des six prochains mois. Au fédéral, la fin de l’entente entre le NPD et le Parti libéral du Canada laissera peut-être place à des élections plus hâtives que prévu. N’oublions pas non plus l’approche des élections municipales en novembre 2025. Entendons-nous pour dire que les prochains mois seront marqués par plusieurs changements sur les échiquiers politiques.
Positionnement des partis politiques
Parti Québécois
Commençons par le Parti Québécois en tête dans les sondages. Paul St-Pierre Plamondon profite assurément du vent de changement qui souffle en Occident, à l’image de ce que nous avons pu observer en France ou au Royaume-Uni. À 29-33% dans les sondages, les troupes péquistes doivent maintenant travailler à consolider leurs appuis et transformer les votes d’insatisfaction envers le gouvernement en des appuis à leurs idées afin d’assurer leur avance en vue des prochaines élections qui auront lieu en 2026.
L’élection partielle dans Terrebonne, que devra déclencher le premier ministre Legault dans les six prochains mois en raison du départ de Pierre Fitzgibbon, testera la solidité et la répartition du vote péquiste. À l’Assemblée nationale, les quatre mousquetaires devront démontrer comment le projet souverainiste peut répondre aux attentes citoyennes. Plus nous approchons de l’échéance de 2026, plus les troupes de PSPP devront exposer comment ils comptent gouverner différemment. L’immigration risque d’être un exemple mis de l’avant par le parti cet automne.
Coalition Avenir Québec
Pour sa part, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec a réussi à freiner sa chute pendant l’été. À plus ou moins 24-25%, le gouvernement peut se réjouir d’avoir encore deux ans pour prouver aux électeurs qu’ils méritent un troisième mandat. L’immigration, le redressement des finances publiques, les infrastructures et l’énergie risquent d’être au cœur de leur agenda politique cet automne. Quant à la priorité éternelle des Québécois, la santé, la transition vers la nouvelle agence Santé Québec, qui se terminera le 1er décembre, sera à surveiller à l’approche de la saison des virus hivernaux.
Sur le plan des finances publiques, le gouvernement doit présenter un plan de retour à l’équilibre budgétaire à l’occasion du budget 2025. L’automne 2024 servira à mettre en place les fondamentaux pour s’y rendre. L’austérité n’est pas dans l’ADN caquiste. La réduction des attentes envers de nouvelles initiatives ministérielles, l’allègement réglementaire et l’efficacité gouvernementale seront les trois moteurs pour y parvenir. À la lumière des sommes colossales nécessaires pour le retour à l’équilibre budgétaire, c’est une grosse commande.
Dans les prochains mois, il y aura davantage de non que de oui. Si vous êtes une entreprise, une association ou regroupement sectoriel, mieux vaut présenter votre solution clés en main au gouvernement. Comme le dit l’adage, vaut mieux s’organiser que de se faire organiser… par le gouvernement.
À noter qu’avec le déchirement de l’entente liant le Nouveau Parti démocratique aux libéraux de Justin Trudeau, les lumières seront de plus en plus tournées vers les prochaines élections fédérales, ce qui risque de donner un peu d’air au gouvernement caquiste.
Parti libéral du Québec
À près de 20% dans les sondages, le Parti libéral n’a toujours pas de chef, mais un projet de constitution québécoise porté par le fils d’un ancien chef et premier ministre toujours adulé des militants libéraux. À travers les prises de position de son aile parlementaire, l’année politique 2024-2025 sera marquée par la pré-course puis la course officielle à la chefferie du PLQ. Charles Milliard semble avoir une longueur d’avance sur le volet de l’organisation. Denis Coderre et sa situation avec le fisc continuent de faire couler de l’encre, mais il n’a toujours pas démontré sa capacité à additionner au-delà de sa personnalité flamboyante. S’il ne réussit pas à convaincre à l’interne, l’ancien maire de Montréal devra vendre énormément de cartes de membres. Pablo Rodriguez sonde toujours ses appuis tandis qu’Antoine Tardif, le jeune maire de Victoriaville, a mis fin aux rumeurs le concernant.
En chambre, fort de son expérience de gestion de l’État, le PLQ va continuer de talonner le gouvernement sur sa gestion des finances publiques – une façon de transformer la faiblesse que constitue l’austérité libérale des années Couillard en crédibilité sur le sujet. En tant qu’opposition officielle, ils ont les députés, le temps parlementaire et les ressources pour faire le travail.
Québec Solidaire
Québec Solidaire a connu une session difficile au printemps et tentera de repartir sur de nouvelles bases cet automne avec en trame de fond, le remplacement d’Émilise Lessard-Therrien, la révision des statuts et la mise à jour des positions du parti.
D’abord, la course à la co-porte-parole. Ruba Ghazal a déjà annoncé ses intentions de se présenter, elle qui avait réuni 49,7% du vote lors du second tour de la précédente course. Est-ce que nous assisterons à un couronnement? Gabriel Nadeau-Dubois ne se plaindrait probablement pas d’éviter une course amenant débats et divisions additionnelles dans ses rangs. Ce n’est d’ailleurs pas les débats qui manqueront lors de la révision du programme qui aura lieu à l’automne. Certains disaient que le plus difficile était fait avec la décision gagnée par GND de réviser le programme. Or, le diable est dans les détails. Est-ce que nous verrons à l’œuvre les différentes factions internes de Québec Solidaire? Ce sera un moment de vérité pour l’aile parlementaire, et un fort risque de distraction pour le parti.
En chambre, le parti n’est pas épargné par la bataille pour devenir la véritable opposition au gouvernement caquiste. Malgré les gains obtenus en matière d’habitation, ils doivent tenter de se réimposer dans l’agenda politique. Pour ce faire, QS a le défi d’élargir ses appuis tout en évitant de s’aliéner sa base partisane. Un vrai jeu d’équilibriste pour Gabriel Nadeau-Dubois et sa future nouvelle co-porte-parole.
Projets de loi à surveiller
Une réforme énergétique sans son idéateur
Le projet de loi 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives, est un projet de loi costaud qui mobilisera les parlementaires dès le premier jour de la rentrée, et ce, en l’absence de Pierre Fitzgibbon qui a pourtant érigé cette réforme en véritable priorité gouvernementale. Alors qu’au Québec, la question énergétique a une dimension quasi-identitaire, la question de la modulation des tarifs résidentiels, mais aussi l’ouverture à l’autoproduction privée d’électricité, provoqueront assurément des discussions aussi passionnées que nécessaires. Le projet de loi prévoit la mise en place d’un Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE) qui viendra guider les actions et les décisions du gouvernement, des partenaires locaux, régionaux et des distributeurs d’énergie ainsi que des promoteurs de projets énergétiques. Il y a fort à parier que les discussions sur l’avenir énergétique du Québec se poursuivront au-delà du PL69 jusqu’à l’élaboration plus détaillée de ce PGIRE.
Une révolution dans les infrastructures?
Le projet de loi 61 vise à créer l’agence de transport Mobilité Infra Québec afin de faciliter la réalisation de futurs projets de transport en commun. Après que le gouvernement ait utilisé la CDPQ pour réaliser le REM, la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, souhaite ajouter un autre outil à son coffre pour réaliser des projets de transport en commun d’envergure partout au Québec. Son collègue Jonatan Julien tente aussi, avec son projet de loi 62, qu’il qualifie lui-même de « révolution », d’assouplir les conditions de réalisation de projets majeurs d’infrastructures en facilitant la conclusion d’entente avec des partenaires privés qui accompagneront les organismes publics de l’idéation d’un projet jusqu’à sa livraison. Les débats sur ces projets de loi se feront probablement avec, en trame de fond, la poursuite des échanges musclés sur les dossiers du tramway de Québec et du troisième lien, pour lesquels la ministre Guilbault a promis une mise à jour à l’automne.
Réformer le régime minier
Déposé au printemps par la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, le projet de loi 63 n’enchante ni les représentants des mines ni les détracteurs de l’exploitation minière. Dans son projet de loi, la ministre a décidé de répondre en partie aux préoccupations des citoyens et des groupes suite aux consultations tenues quelques mois avant et d’interdire l’achat de claims miniers sur des terrains privés pour éviter la spéculation. L’achat de claims est en effet devenu une source d’inquiétude forte dans certaines régions. Pour les groupes de pression, la ministre devrait aller plus loin en s’assurant que les projets sont socialement acceptables et que les mesures d’atténuation des risques environnementaux soient plus importantes avant d’autoriser tout projet d’exploitation minière. Autrement dit, un beau défi pour celle-ci qui devra concilier développement minier réfléchi, sous le couvert de la transition énergétique, et acceptabilité sociale.
Sonia Lebel et le décloisonnement des compétences
Avec son projet de loi 67, la présidente du Conseil du Trésor, toujours aux prises avec d’intenses négociations l’opposant aux infirmières de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), tente à nouveau d’élargir les pouvoirs de certains professionnels de la santé. Au premier chef, l’adoption du projet de loi verrait les pharmaciens être en mesure de prescrire ou de prolonger les ordonnances pour des maladies courantes, tandis que les infirmières avec une attestation, psychologues, conseillers d’orientation, sexologues et orthophonistes pourraient diagnostiquer des troubles mentaux. Ajoutons à cela toute la question de la mobilité du personnel. Dans la même veine, le projet de loi 68, déposé par le ministre du Travail Jean Boulet, vise à diminuer les charges administratives des médecins et ainsi dégager jusqu’à 750 000 rendez-vous par année.
Toujours dans l’objectif de donner plus de services aux citoyens, le projet de loi 67 créerait également de nouveaux permis de pratique restreints pour certains services professionnels et permettrait à l’ensemble des professionnels de se constituer en OBNL.
Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes
La tenue d’une commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux chez les jeunes a été adoptée à l’unanimité par une motion de l’Assemblée nationale. Le but? Mieux encadrer l’utilisation des écrans et des réseaux sociaux chez les jeunes. Des auditions publiques et des consultations particulières se tiendront à l’automne où plusieurs organisations, dont des spécialistes en éducation et en technologies, seront amenées à partager leur point de vue et à proposer des pistes de solution afin d’orienter les futures politiques publiques. La commission couvre très large, passant du temps d’écran des jeunes aux mécanismes visant à créer une dépendance utilisés par certaines applications, ou de l’accès aux réseaux sociaux à la publicité destinée aux enfants sur les plateformes et applications. On vise maintenant un équilibre entre l’utilisation bénéfique des technologies numériques et la protection des jeunes contre certains de leurs effets pouvant devenir néfastes sur leur santé et leur développement.
Projets de loi à venir
Construction
Le secteur de la construction continuera de vivre des changements alors que le ministre du Travail, Jean Boulet, a signalé son intention de déposer un nouveau projet de loi pour accroître la protection du public et augmenter la qualité de la construction.
Enseignement supérieur
Le premier ministre a également télégraphié son intention de voir la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, déposer un projet de loi visant à réduire le nombre d’étudiants internationaux admis dans ses institutions éducatives, semant l’inquiétude au sein des cégeps de régions, notamment.
Une atmosphère de mi-mandat
Le mi-mandat est souvent un creux pour la députation. L’excitation du début de mandat est terminée. Tous les députés ont fait le tour des exercices parlementaires. Tout le monde est ou devrait être à l’aise. De l’autre côté, la frénésie pré-électorale qui amène à serrer les rangs est encore loin. Il s’agit également d’un moment où les tensions internes peuvent s’exacerber. On se plaint des mauvaises communications, des processus décisionnels internes, du manque d’informations, etc. Les différents whips et les présidents de caucus des partis politiques devront être alertes et démontrer du leadership pour garder les députés dans un bon état d’esprit. Un caucus soudé permet au chef de se concentrer sur 2026. Un caucus indiscipliné distrait le chef comme les amateurs politiques. Comme quoi, ce qui fait le malheur des uns peut faire le bonheur des autres.